Respiration et cycle hormonal féminin

La fréquence respiratoire moyenne et normale se situe dans une fourchette allant de 10 à 20 respirations par minutes avec 20 respirations qui sont considérées comme étant déjà un chiffre très élevé. Des dizaines d’années de recherches montrent qu’une meilleure santé et de meilleures performances sont associées à une fréquence respiratoire plus basse. Au repos, respirer de manière lente et profonde est la meilleure manière de respirer. Aussi les différences physiologiques entre les deux sexes sont avérés sous bien des aspects. Ainsi, les hormones sexuelles féminines, assez largement les œstrogènes et la progestérone ont des variabilités prédictives.
La recherche montre que la fréquence respiratoire augmente dans la deuxième partie d’un cycle menstruel normal (de jour 15 à 21). Du fait de la hausse de la fréquence respiratoire, davantage de dioxyde de carbone est expiré, ce qui entraine une baisse de la concentration du CO2 dans le sang. Des niveaux de CO2 bas dans le sang conduisent à une oxygénation sous optimale des tissus et des organes avec comme symptômes principaux, l’irritabilité et la fatigue.
L’accroissement de la fréquence respiratoire va stimuler la branche sympathique du système nerveux autonome aussi appelé en anglais « fight or flight et des fois avec un « freeze » à la fin si on suit la théorie polyvagale du Dr. Porges en diminuant l’influence de système nerveux autonome parasympathique « rest and digest ». Cela aura un impact négatif sur la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC, Heart Rate Variabiliy HRV en anglais) et mène à un état de vigilance accrue en augmentant les niveaux de stress et d’anxiété, mais aussi un accroissement de la perception de la douleur. Les hormones ovariennes, et plus spécifiquement la progestérone, peut partiellement être à l’origine de la hausse de la fréquence respiratoire.
La respiration, un résumé concis
La régulation de la respiration est une imbrication complexe d’influences neuronales, biochimiques et hormonale. La respiration permet l’échange d’oxygène (O2) et de dioxyde de carbone (CO2) dans les poumons: l’oxygène est transféré de l’air que l’on respire vers le sang, et le CO2 est délivré par le sang pour être expiré. Le niveau d’O2 normal est mesuré avec une saturation allant de 94 à 99% et le taux normal de CO2 est mesuré comme ayant une pression partielle comprise entre 35 et 45 mmHg. Il ne s’agit pas du niveau d’oxygène qui nous pousse à devoir respirer (lors d’une apnée par exemple, mais c’est bien le CO2). La concentration de CO2 régule la fréquence respiratoire, augmentant que le volume est trop haut et vice versa.
Le dioxyde de carbone est un sous produit qui découle de nombreux processus à l’intérieur même de cellules. Il est assez commun de considérer qu’il s’agit d’un déchet, mais il a aussi des fonctions importantes comme par exemple la régulation de la pression sanguine. Nos organismes sont faits pour opérer au mieux avec des pH sanguin légèrement acide (dans une fourchette de 7.35 à 7.45, dans laquelle un chiffre bas correspond à un état acide). Un niveau de CO2 plus haut augmente l’acidité sanguine. Les globules rouges sont sensibles à l’acidité sanguine et relâcheront plus volontiers de l’oxygène aux cellules quand l’environnement est acide.
Lors de l’exercice physique, davantage de dioxyde de carbone est produit par les muscles sollicité car ces derniers pour bien fonctionner ont besoin d’énergie, l’énergie est considérée ici comme étant la conversion du glucoses et des lipides en ATP (c’est l’énergie). Des récepteurs spéciaux appelé chémorécepteurs, sont en charge d’être sensibles et de reconnaitre la hausse du CO2 dans le sang et la hausse du pH. Le cerveau envoie à son tour des signaux afin d’augmenter la fréquence respiratoire afin d’expirer l’excès de CO2 produit. Ce processus assure que l’acidité sanguine soit maintenu dans la fourchette optimale cité au dessus.
Une fausse croyance courante reste de croire que tout le CO2 doit être expiré. Comme toute chose, il y a un équilibre à trouver, ni trop, ni trop peu, car les deux extrêmes auraient un effet néfaste sur l’organisme. Une hyperventilation chronique (une fréquence ventilatoire trop importante) conduit à une adaptation des chémorecepteurs, qui seront eux-même déclenché à des niveaux de CO2 plus bas, la tolérance au CO2 diminue. L’organisme s’habitue à des niveaux de CO2 plus bas, et trouve des adaptations, on pourrait parler de norme « basse ». Lorsque cette tolérance est atteinte, la fréquence respiratoire augmente.
Ce qui est pertinent ici, est qu’une fréquence respiratoire plus importante engendre la perte accrue de CO2 expiré en baissant sa concentration dans le sang. Cela est une bonne chose lors de l’activité physique afin de maintenir un pH sanguin supérieur à 7.35 mais ça devient beaucoup moins optimal lorsque l’individu est au repos.
Aperçu du cycle hormonal féminin
Les oestrogènes et la progestérone ont des fluctuations rythmiques durant les cycles, cycles qui dure en moyenne 28 jours mais qui est considéré comme normal entre 24 et 35 jours (figure 1). Il y a exactement 4 périodes bien distinctes à savoir, les menstruations (du jour 1 à 4), la phase folliculaire (jour 21 à 13), l’ovulation (jour jour 13 à 15) et la phase lutéale (jour 15 à 28). Chaque phase à un profil hormonal caractéristique.
Les oestrogènes et la progestérones sont à leur plus bas durant les menstruations. Les oestrogènes augmentent asset fortement pendant la phase folliculaire pour atteindre un pic juste avant l’ovulation. Les oestrogènes s’effondre après le jour 13 et vont recommencer à progresser dans la phase lutéale mais à une vitesse moins important, pour avoir à nouveau un pic (moins important que le premier) au milieu de la phase lutéale (approximativement au jour 21)
La progestérone sera quant à elle à un niveau bas, pendant toute la phase folliculaire et commencera à augmenter à partir de l’ovulation, avec un pic la aussi au milieu de la phase lutéale. Si il n’y a pas fécondation, le taux de progestérone chute et le cycle pourra recommencer.

Quand les hormones influences la respiration
L’impact hormonal sur le rythme respiratoire n’est pas neuf, et les premières études datent de Schoene et al. en 1981, plus récemment suivi par d’autres comme Behan et al., Jensen et al. et Slotkovska et al.
Dans une méthode test utilisée par Jensen et al, les participants devaient hyperventiler volontairement pour abaisser leur niveau de CO2, puis ils devaient reprendre un rythme respiratoire normal mais dans un sac fermé sur la bouche. A chaque respiration, l’oxygène disponible diminue et la concentration de CO2 dans le sang augmente. Comme expliqué plus haut, le cerveau est en permanence entrain d’évaluer les niveaux de pH ainis que le niveau de CO2 afin d’accélérer la fréquence respiratoire pour expirer l’excès de CO2 et retourner à un pH normal, il s’agit du seuil de recrutement ventilatoire. En d’autres mots, il s’agit du niveau normal de CO2 perçu par son organisme, la référence qu’il tentera de maintenir quoi qu’il arrive. Dans cette étude, aucune différence n’a été trouvé entre les hommes et les femmes par rapport à la sensibilité au CO2, les chemorecepteurs agissaient de la même manière.
Dans une autre petite étude de 14 femmes, un protocole similaire à celui de Slatkovska a été suivi, mais les niveaux d’oestrogènes et de progestérones ont aussi été mesurés. Cela a confirmé que la sensibilité des chémorecepteurs ne change pas.
Mais des différences ont été trouvées entre la phase folliculaire et la phase lutéale. Dans la phase lutéale, les concentrations en CO2 étaient plus basses et le nombre de respiration par minute était plus important en comparaison de la phase folliculaire. Ces variations coïncident avec les fluctuation de la progestérone. La réponse respiratoire en phase lutéale à un impact de presque 1L/min, et engendre la perte de CO2.
- La hausse de la progestérone dans la seconde partie du cycle menstruel engendre une augmentation de la fréquence respiratoire ce qui à son tour diminue la concentration de CO2 dans le sang.
- Au même niveau de CO2, le nombre de respiration par minute augmente plus en phase lutéale

Changement de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC – Heart rate variability en anglais)
La variabilité de la fréquence caridaque est utilisée pour mesurer la capacité de récupérer du stress (ponctuel et chronique) et est très souvent utilisé comme indicateur pour évaluer la capacité à répondre à une activité physique intense. Il existe de nombreuses manières de le mesurer. La VFC est un indicateur de l’état du système nerveux autonome et des mécanismes de contrôles cardiovasculaires automatiques, divisé en deux parties: le système nerveux autonome sympathique, ou orthosympathique (fight or flight) et le système nerveux autonome parasympathique (rest and digest). Les différences entre les battements du coeur ne sont pas uniformes, par exemple, certains battements sont espacés de 1.02 secondes quand d’autres sont espacés de 0.98 secondes etc etc. La VFC mesure le niveau de stress perçu ou vécu ou encore comment ce même stress est toléré. Lorsque nous sommes stressés, tous les battements sont espacés de 1.01 secondes ou 0.99, il s’agit donc d’une différence uniforme de 0.02 secondes. A l’opposé, dans des états plus apaisés, c’est l’état parasympathique qui prend le dessus et donne la mesure, la VFC augmente. Les battements du coeurs peuvent être fait toutes les 1.02 sec, 0.99 sec, 1.03 sec ou encore 0.94 sec de manière très aléatoire.
Tenan et al. ont montré que le VFC est à son point d’orgue juste avant l’ovulation et s’écroule autour des jours 16 à 22, pour rester relativement bas jusqu’à ce que le cycle reprenne. La hausse de la progestérone sur les jours de 16 à 21 supprime un peu l’activité du système nerveux parasympathique et c’est le sympathique qui prend le dessus, un stress accru est perçu. Cela a pour conséquence une VFC plus basse, et une hausse de la fréquence respiratoire, avec les conséquences qui en découlent: diminuation de la concentration en CO2 dans le sang, moins bonne oxygénation des tissus et des organes, augmentation de la fatigue, stress. En mileu de phase lutéale, la VFC est a son plus bas. A l’opposé, la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire sont à leur plsu bas durant la période des menstruations.

Conclusion
L’augmentation de la fréquence respiratoire est normal lors d’une activité physique. Cela assure un transport accru d’oxygène vers les muscles ainsi que l’élimination par l’expiration de l’excès de CO2 produit, ainsi le pH sanguin (l’acidité) reste dans une fourchette normal.
Lorsque la fréquence respiratoire augmente au repos, lorsque la demande d’oxygène par les organes ne change pas, il y a une quantité accrue de CO2 expiré comparé à ce qui serait requis pour maintenir un pH optimal. Cette « hyperventilation » diminue la concentration de CO2 dans le sang et diminue l’oxygénation des tissus et des organes (en incluant le cerveau). Les symptômes peuvent être de la fatigue mental, des bâillements fréquents et une anxiété ou susceptibilité accrue.
- l’augmentation de la progestérone en seconde partie de cycle augmente la fréquence respiratoire, diminue la concentration en CO2 et diminue le VFC
- D’un point de vue de la performance, la baisse de la VFC devrait être une variable à considérer et suivre de près, spécifiquement pour éviter le surentrainement. Il reste important de suivre ses propres ressenti et symptômes, pour être au plus juste dans l’interprétation.
Enfin, une respiration lente aura de nombreux avantages sur la santé et pourra améliorer l’efficacité ventilatoire, diminuer la pression sanguine, et un changement de paradigme qui penchera plutôt vers le système nerveux autonome parasympathique permettra d’augmenter la VFC et de réduire l’anxiété.
Note: si vous notez que votre respiration accélère en seconde partie de cycle, vous pouvez faire un effort de manière consciente pour ralentir votre rythme respiratoire

Reference:
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